Le film documentaire « Des cris déchirent le silence » de Natacha Thiéry, réalisatrice et maîtresse de conférences en esthétique et théorie du cinéma à l’Université de Picardie-Jules Verne, n’est pas une nouvelle sortie à proprement parler. Cette œuvre traitant des collages féministes entre 2019 et 2023 a été présentée pour la première fois à Paris, en 2024, dans le cadre du festival Cinéma du réel. Mais le film a fait l’objet d’une projection le 8 février dernier, lors de « Riposte graphique », une exposition évènement à la Maison du Livre, de l’Image et du Son de Villeurbanne (Rhône), mettant en avant différentes créations visuelles (affiches, banderoles, etc.) de collectifs d’artistes engagé·es contre l’extrême droite, le capitalisme, l’homophobie, ou encore le patriarcat.
Dès les premières secondes du documentaire, la forme saute aux yeux. On fait face à un montage de photos, qui se succèdent à l’écran en mode diapositives – rien de très surprenant quand on connaît la passion de Natacha Thiéry pour la photographie. Passé l’effet de surprise du montage, on se laisse happer par un film très vivant, nerveux même, malgré une forme qui pourrait inviter au statique. Il faut dire que l’ambiance sonore est particulièrement travaillée, faisant appel à des chants issus de manifestations, des pas de talons frappant le bitume, ou encore des interventions audio de la réalisatrice – un micro trottoir lunaire en compagnie d’une riveraine se lamentant des « dégradations » sur les murs est particulièrement édifiant.
Les messages affichés sur les murs touchent à des sujets divers : violences sexistes et sexuelles, patriarcat, mais aussi violences policières, ultra sécurité, écocide, fondamentalisme religieux, etc. L’inventivité des collages, et l’impact qui en découle, est remarquable. En seulement quelques mots, les slogans claquent comme des directs en plein visage de la boxeuse algérienne Imane Khelif. Certains messages se répètent, malgré la forme chronologique du documentaire, comme pour appuyer le terrible constat que les mêmes luttes reviennent sans cesse, par vagues, ne disparaissant jamais tout à fait. L’arrachage occupe, aussi, plusieurs fois l’écran, illustrant la courte vie des affiches, rapidement prises d’assaut par des masculinistes ou des fascistes, sans parler des commentaires haineux de certains, in situ.
S’il fallait formuler un petit bémol, on pourrait avancer que le film aurait peut-être mérité une forme plus compacte et ramassée. « Des cris déchirent le silence » n’en reste pas moins un film d’importance sur un mouvement de lutte sociale essentiel. La rue doit savoir, il faut mettre fin à l’invisibilisation. Des chiffres alarmants comme seul 1 % des violeurs sont condamnés doivent être martelés, encore et encore. Il est nécessaire aussi de rappeler des évidences, à l’image de la nécessité du consentement ou de la liberté de vivre son orientation sexuelle, qui, dans la société française de 2025, ne le sont pas pour tous·tes.

Portrait de Natacha Thiéry (c) Ilaf Haidar
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